Digital et Materiel au service d'une meilleure accessibilité
Sur quelles innovations SNCF travaille-t-elle en matière d’accessibilité ? Quelle part prendra le digital au sein de ces innovations ? Bernard Durmortier, responsable du pôle Innovation et Matériel chez SNCF, nous répond.

Robert Dumortier, responsable Innovation et Partenariats au Centre d’Ingénierie du Matériel chez SNCF, présente les innovations sur lesquelles travaille l’entreprise ferroviaire en matière d’accessibilité et le rôle du digital dans ces bénéfices supplémentaires.
En quoi le digital permet-il d’améliorer l’accessibilité dans les trains ?
On sait par l’INSEE que 66 % des personnes de plus de 60 ans qui sont limités dans leurs activités ou la vie en société pour des raisons physiques ou psychiques* en Ile- de-France (contre 53% dans le reste de la France) déclarent avoir des difficultés ou ne pas pouvoir du tout utiliser les transports en commun. La raison la plus spécifiquement citée en Ile-de-France par les personnes en situation de handicap est la difficulté à rester debout lors des trajets. A cause notamment de la densité de population rendant les places assises peu accessibles. Or, on peut trouver dans le digital des solutions qui pourraient répondre aux attentes de confort de tous nos voyageurs. C’est en partie pour cette raison que nous sommes en train de développer une application grand public qui permettrait d’informer les voyageurs en temps réel de quelles voitures disposent de places assises.
Comment cela fonctionnerait exactement ?
Le principe est que le voyageur visualise sur son écran de téléphone ou éventuellement sur le train le taux d’occupation : en vert, les voitures très peu fréquentées, en orange les voitures avec quelques places de libres et en rouge les voitures « pleines », et ainsi se situer au mieux sur le quai. La différence avec l’appli Tranquilien est cette connaissance en temps réel de l’occupation du train, non pas basée sur des ordres de grandeur de fréquentations selon l’heure et sans s’appuyer sur la contribution des communautés de voyageurs via l’appli.
Quelle technologie serait utilisée pour connaître ce taux d’occupation ?
L’idée d’origine est de pouvoir donner cette information via un système le plus simple possible à mettre en œuvre, c’est-à-dire sans opération lourde d’immobilisation de la rame et le plus rapide possible, c’est-à-dire avec un nombre limité d’équipements. Un seul capteur serait installé dans chaque voiture et mesurerait le CO2 que chacun rejette en respirant. Pour faire simple, plus on mesurera un taux élevé de CO2 dans l’air, plus on pourra indiquer que la voiture est fréquentée. La formule est plus complexe car elle prend en compte plusieurs paramètres, mais le principe général est celui-là. Nous étudions avec Transilien la faisabilité de cette innovation et son impact (quelle info donner à quel moment, sous quelle forme…).
Ciblez-vous en particulier les personnes à mobilité réduite ?
Cette innovation profitera à chacun, et donc aussi aux personnes à mobilité réduite. Le but premier est de trouver une place assise plus rapidement en permettant un pré-positionnement sur le quai. Tout ce qui peut aider à trouver une place assise est un bénéfice. Pour les personnes à mobilité réduite, et notamment les personnes qui se déplacent avec difficulté (béquille, séniors, …), cette application rend le déplacement beaucoup plus pratique et aussi moins anxiogène. Elle sera aussi utile aux personnes avec une poussette ou des bagages par exemple.
Travaillez-vous sur d’autres innovations à venir sur le matériel ?
Oui, à travers des projets de recherche européens notamment. Notre objectif est d’offrir un accès facilité du quai vers le train et d’augmenter l’autonomie des personnes à mobilité réduite.
Concrètement ?
Aujourd’hui, lorsque trains et quais se situent à la même hauteur, il peut subsister un espace vide horizontal entre les deux zones; pour le supprimer, nous utilisons un « comble lacune » qui se déploie et permet sur certaines de nos lignes à toute personne en fauteuil roulant, d’entrer dans le train, sans accompagnement. Mais lorsqu’il y a une différence de hauteur entre le quai et le train ou un écart trop important, il est actuellement nécessaire de faire appel à un agent. Notre projet est de travailler sur une amélioration du train afin que celui-ci soit capable de détecter cet écart et de déployer une palette appropriée à chacune des situations de décalage entre quai et train y compris la hauteur. L’ambition de ce projet de recherche est de pouvoir combler en autonomie jusqu’à la hauteur d’une marche. Nous étudions actuellement la faisabilité de cette solution et son coût. En attendant, aujourd’hui, et plus encore dès 2018, les UFR (Usagers en Fauteuil Roulant) peuvent compter sur les agents en gare pour assurer la montée et descente de leur train.
Quelles sont les prochaines innovations à attendre pour les personnes souffrant d’autres handicaps que celui de devoir se déplacer en fauteuil roulant ?
A l’instar du projet sur le comble lacune vertical, SNCF travaille sur un projet européen avec des grands constructeurs, équipementiers et opérateurs ferroviaires. Par exemple, Il s’agit d’améliorer l’information voyageurs et de mieux les guider grâce à des « portes communicantes » : l’aide au repérage des pour les personnes malvoyantes : grâce à leur télécommande lorsqu’elles appuient dessus, elles déclenchent des balises sonores associées aux portes des trains, à l’instar de ce qui se fait dans les gares par exemple. Un premier système avait été développé sur TER et TGV à l’initiative de SNCF, le projet visera à l’améliorer et surtout le rendre beaucoup plus accessible économiquement. Son coût est un frein actuellement. Le besoin a été confirmé par les associations, à nous d’inventer un système frugal pour l’étendre facilement. L’information, c’est aussi le visuel, le sonore… On veut passer un cap en considérant que les portes peuvent aller plus loin que se fermer et s’ouvrir ; elles permettent aussi d’influer sur nos comportements ou d’aider à la gestion des flux. Ce sera l’un des thèmes développé. En 2020 une fois nos études terminées, on saura identifier la pertinence technique et économique des projets et si on il a des chances d’aboutir.
Ces évolutions se jouent aussi au moment des appels d’offres avec les constructeurs ?
Oui, nous sommes force de proposition et challengeons les constructeurs de matériels roulant autour de ces préoccupations sur l’accessibilité. La condition est que nous devons impérativement anticiper, expérimenter et prouver que nos dispositifs ou outils que nous voulons intégrer sont bien réalisables. La définition d’une innovation est une idée qui a trouvé son marché, c’est bien le sens des projets en cours et à venir.
* « Constitue un handicap, toute limitation d’activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d’une altération substantielle, durable ou définitive d’une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d’un poly-handicap ou d’un trouble de santé invalidant » selon la loi du 11 février 2005.